Décembre 2009, j'arrive en Indonésie, peu après ma date d'anniversaire... La famille d'Arum, ses nièces et neveux m'offrent des cadeaux. J'ouvre les paquets .... et ... hop ! des slips !, des slips et des tricots de corps "Marcel" ! (les tricots sans manches avec des gros trous à la place (?) ... Arum m'explique que dans son pays, quand on veut être proche de quelqu'un, on lui offre quelque chose d'intime ...
Elle me confie aussi qu'à notre rencontre elle me croyait très pauvre. Mon petit savon rangé dans sa boite en plastique (bien pratique) et la simplicité navrante de mes tenues vestimentaires l'avait amené à cette conclusion. Alors un jour, sous prétexte de devoir prendre une douche, dans "l'appartement" dans lequel Yuli m'avait invité, Arum, "oublit" le gros savon, tout neuf, qu'elle avait acheté exprès pour moi. Cela aurait pu me mettre mal à l'aise qu'elle me l'offre, alors elle l'oublit à mon attention... n'étant pas encore imprégné de la subtilité des postures indonésiennes qui visent à ménager la sensibilité de l'autre, moi je lui cours apprès pour le lui rendre. Arum ne sait pas quoi dire ... elle reprend son savon.
Mais revenons au présent ! Cette fois, je suis revenu pour chercher Arum et repartir avec elle, mais avant, nous allons passer quelques jours à Bali avec ceux par qui tout a commencé... et là maintenant ça commence par une journée de m... un JDM quoi !
JDM:
Ca commence par un vol qui n'arrivera pas à atterrir. Nous approchons de Bali, l'avion amorce sa descente et au moment où nous allons atterrir, le pilote met plein gaz, l'avion se cabre et crève les nuages. La structure semble à la limite de la rupture, moi, comme beaucoup je pâlis. Après un long silence, le pilote nous explique que les conditions au sol ne nous permettaient pas d'atterrir. Je me souviens m'être dis "Bizarre qu'il découvre les conditions en atterrissant ! pas rassurant ça ! On va voler autour de l'aéroport pendant une heure et refaire une tentative quand le vent se sera calmé. Il y a une tempête en bas.
Je me pose mille autres questions. Combien de carburant il nous restera si la deuxième tentative échoue ? Que fera le pilote ensuite ? est ce qu'on va se prendre un autre avion ? notre trajectoire est hors prévisions et toutes les compagnies indonésiennes sont sur la black liste et la communication avec la tour de contrôle semble pas vraiment au top.... et puis mes pensées s'interrompent, on descend à nouveau, tout doucement ... tout doucement ... tout doucement ... et PLEIN GAZ !!!!, ON REMONTE A FOND ! La structure recommence à trembler de toute part comme un gobelet en plastique qu'on commence à écraser. J'ai l'impression que l'avion peut se casser en deux d'une seconde à l'autre. Vu de mon siège, l'angle de montée me paraît entre 45 et 60°. Cette fois, c'est moi qui suit au bord de la rupture. J'essaie de respirer et de me détendre pour ne pas faire une attaque. Je sents ma poitrine se raidir à l'infini. Je ne sais plus bien quel est le plus grand risque, le crash ou une attaque. J'ai peur que le pilote décide de forcer, mais heureusement non. Notre vol est déporté sur Surabaya. C'est la confusion. Au sol, les messages sont contradictoires. On doit sortir de l'avion, puis non, on doit rester et attendre. L'avion reste au sol, prêt à repartir sur Bali dès le signal que ça se calme. Sans nous ! comme une vingtaine de passagers, nous décidons de quitter l'avion. Quand une tempête s'abat sur Bali çà ne dure généralement pas une heure!. Nous reprendrons un vol demain.
Ca y est on est demain ! après une nuit passée à l'hôtel (à nos frais), nous revenons à l'aéroport. On nous amène du côté embarquement puis plus rien (?). L'heure du décollage approche. L'heure du décollage, c'est maintenant et aucune info (?) Nous n'avons toujours pas de carte d'embarquement et on nous laisse pas prendre l'avion. Un officiel nous explique qu'il nous faudra revenir à nouveau le lendemain pour embarquer (?). La vingtaine d'Indonésiens ne bronchent pas. Une des deux Hollandaises encore traumatisée pleure devant la confusion locale toujours aussi rassurante pour un vol. Arum fond sur un officiel et lui passe un savon devant tout le monde !!! :-0 Elle lui explique que ce n'est pas possible !, qu'elle a honte de l'image qu'ils donnent de son pays aux quelques occidentaux qui sont venus le découvrir. L'officiel finit par courrir nous chercher des cartes d'embarquement pendant que l'avion continue de nous attendre ... 20 minutes déjà après son heure de départ officiel. Il ramène la passerelle, nous montons à bord. A l'horizon un mur noir se rapproche ... Nous y aurions échappé si l'avion était parti à l'heure, mais le destin semble s'acharner. Nous bouclons notre ceinture, la passerelle se retire ... les rafales se font d'une rare violence. La Hollandaise est en larme et une mère de famille, rescapée du vol d'hier avec nous, panique et veux sortir de l'avion. L'hôtesse tente en vain de la calmer, mais rien n'y fait alors elle hausse le ton car elle craint que la dame panique le reste des passagers. Ni une, ni deux, Arum bondit sur son siège pour se mettre à la hauteur de l'hôtesse et l'engueule devant tous les passagers médusés ! (moi compris). La petite indonésienne lui interdit de parler à la dame comme elle le fait. Elle ne sait pas ce qu'elle a vécu hier et lui raconte le traumatisme. Alors elle n'a pas à hausser le ton et lui parler avec arrogance !. Tous les regards des passagers sont sur Arum. Je suis très fier ! finalement l'aéroport renvoit pour la troisième fois la passerelle pour permettre à la dame de sortir. Les deux Hollandaises sortent aussi. Elles ne prendrons plus l'avion en Indonésie.
Enfin, nous arrivons à Bali, VIVANTS ! reste plus qu'à me diriger vers le distributeur le plus proche car je n'ai plus un sou en poche et hop transaction validée ! et hop ! transaction confirmée et hop ! je suis débité de 200€ et le distributeur ne me délivre aucun billet et aucun ticket ! Nous appelons le numéro indiqué dans la cabine, mais plus de crédit téléphonique et enfin après 1 heure de tentative, l'opératrice me dit de voir avec ma banque, ... en France ... à mon retour (?). Elle ne peuvent rien faire. J'ai l'impression que c'est la principale maladie du pays ! tout le monde est toujours désolé et personne ne peut rien faire !!
Arrivé à l'hôtel et hop on m'informe que la réservation pour deux n'inclut qu'un SEUL petit déjeuner (?), l'autre se débrouille ! Et puis la navette qui nous a déposé en ville, 3 heures plus tôt ne revient pas nous chercher ! Nous étions au lieu de rendez vous 30 minutes avant l'heure ... et 30 minute après ... toujours pas de navette, alors nous appelons, on nous répond qu'elle est en chemin. .... 10 minutes passent toujours rien, nous rappelons l'hôtel. Cette fois on nous répond qu'elle nous a attendu pendant une heure (?) alors elle est repartie. C'était la dernière ! Cette fois c'est moi qui décide de grogner. Je demande à parler au directeur et le câble tu téléphone chauffe ! (chacun son tour nah !). La journée n'est pas finie, le soir le taxi censé nous déposer au restau du coin, nous balade pendant 30 minutes... Et au retour, je bloque le coffre fort de la chambre ... deux fois ... à minuit passé. J'ai l'impression d'être Midas, sauf que moi, aujour'hui, je transforme tout ce que je touche en m....
Retour sur l'ile de DIEU:
Ca y est, aujourd'hui, Arum et moi retournons chez Yuli et Koming, visite surprise rendue, à celle et celui, par qui finalement tout à commencé. Je veux parler de l'histoire dans l'histoire. Celle de la rencontre avec Arum. Aujourd'hui, après deux années sans nouvelles, nous retournons les voir .... ensemble et mariés.
D'abord surpris, Yuli et Koming semblent heureux et désireux de nous expliquer immédiatement les raisons de leur silence prolongé et l'absence de réponse à nos appels et nos messages. Dans la famille de Koming, on croit qu'avant que le bébé arrive et pendant sa première année, il ne faut parler à personne. Ca porte malheur au bébé, alors ils se sont coupés de leur entourage. Je sens que les conséquences de cette croyance qui a suscité l'incompréhension pendant tout la période de silence (car on n'est pas averti avant) leur a vraiment pesé. Mais nous nous retrouvons et c'est bien l'essentiel. Deux ans après, tout est pareil et tout est différent à la fois car des histoires se sont écrites.
Les soirées ensemble comme dans le bon vieux temps reprennent ... On retrouve aussi Franck, un ami français d'Arum, rencontré à l'Alliance Française à Yogyakarta et à notre mariage. Franck (à gauche) est tombé sous le charme de l'Indonésie et de la douceur de vivre de Bali en particulier. Alors depuis un an, il y séjourne. Il tente d'y créer un petit business. Le plus compliqué au final reste toujours les questions de visa. Ca oblige Franck soit à sortir du pays et y rentrer dans la foulée, soit à faire renouveler son visa sur place ... ce qui nécessite entre quinze jours et trois semaines de traitement ... tous les mois !!.
Il y a aussi Lin (à droite), rencontré à Bangkok et qui continue de louer ses deux maisons sur Paris, ce qui lui suffit pour mener une vie de bohème et se consacrer à plein temps à la douceur de vivre en Thaïlande et à Bali.
Il y a Wati (devant Lin et à côté d'Arum), toujours aussi souriante. Madé Béta (en jaune devant), prof de salsa, désormais plus ouvert et techniquement encore bien meilleur que la fois d'avant. Et plus récemment Kitri (tout devant), qui semble plutôt trempé d'un tempéramment survolté et dont les cicatrices sur les poignets témoignent encore d'une histoire torturée.
Il y a aussi Iga, toujours aussi forte et indépendante ... mais devenue très féminine. et Maria amoureuse d'un hidalgo de l'Illinois.
Le grand départ:
A Yogyakarta, quelques jours avant de nous envoler finalement ensemble enfin vers Paris, la maman d'Arum manifeste de pus en plus de signes de déchirement de la voir quitter la maison. Depuis une semaine elle ne dort plus, de temps en temps, elle pleure sans raison apparente (alors qu'Arum ne l'a jamais vu pleurer auparavant) et ce soir elle tremble dans son lit comme si elle avait une crise de paludisme ! Une viste à l'hôpital, le lendemain confirme ce que nous savons tous déjà, elle n'a rien d'autre qu'une crise d'angoisse. Moi çà m'inquiète, parce que j'ai peur que cela fasse reculer Arum alors que nous sommes enfin si près du but, après tous les épreuves traversées pour y arriver ... Mais non, bien que nouvelle, Arum comprend la réaction de sa mère à l'approche du départ. Elle me rassure. Elle ne recule pas. Elle a choisi.
Ca y est, c'est le jour J, ses parents viennent à l'aéroport. Arum sait que sa mère a fait un travail sur elle pour ne pas fondre en larme à l'aéroport. Ce ne serait bon pour personne. C'est effectivement comme çà que tout se passe.
28 Avril 2010 ... Paris, enfin !: Mes parents ont fait le déplacement spécialement depuis la pointe sud de la France, pour venir accueillir Arum dès son arrivée en France à 06h50, et rester avec elle les premiers jours. Merci du fond du coeur.
Au pays du fromage, ce qui surprend Arum c'est d'abord les chiens en laisse. En Indonésie on ne développe pas de relation affective avec des chiens ou des chats (sans compter qu'ils rangent le chien aux côtés du porc point de vue hygiène et le voit comme le meilleur ami ... des maladies). Mais au pays des surprises, ce qui vient en premier, loin devant le reste, c'est cette sale manie qu'a le temps d'être non seulement FROID ! mais aussi et surtout de jouer au yoyo avec le thermomètre, parfois avec 15° d'écart entre le matin et l'après midi, sans réussir à se décider entre la pluie, le froid, et le chaud ensoleillé plusieurs fois dans la même journée.
On met le chauffage à fond dans la chambre. C'est insupportable, j'ai beaucoup de peine à dormir ! Elle dors avec des chaussettes en laine, un pantalon, un pull et des gants, dans un sac de couchage dans le lit !
A chacun son tour: Mes parents rentrent pour dîner. Arum a mis la table. Elle sait que l'eau du robinet est potable ici. Cette fois, c'est eux qui sont surpris d'avaler des médicaments avec le grand verre d'eau chaude du robinet, qu'ils se sont servi avec la carafe d'eau posée sur la table. C'était destiné à les réchauffer du froid extérieur.
Recyclage: Ce matin, je découvre une boite de pâté de canard dans la salle de bain (?). Dans ma grande naïveté, j'avais jeté l'emballage hier, après que nous en ayons vidé le contenu. Ce matin, la boîte de pâté et revenue trôner dans la salle de bain, transformée en boîte à bijoux (?) Je m'appête à expliquer à Arum avant de lui acheter une boîte pour ses bijoux, mais je me resaisis ! J'ai envie de laisser la boîte de pâté dans la salle de bain et de voir combien de temps ce témoignage de son exotisme perdurera.
Les oiseaux libres sont aussi un sujet d'étonnement. En Indonésie, ce serait impensable sans quelqu'un à l'affût pour les attraper et les revendre Il y a aussi le soleil qui se couche à 22:00 (?), c'est bizarre çà aussi, et très sympa !
Arum est enfin très surprise parceque... je peux conduire une voiture ! moi ! impensable ! Elle m'a d'abord cru très pauvre, puis vu quasi incapable de conduire un Scooter les rares fois où je ne pouvais pas me faire conduire, c'est toujours elle qui conduisait, alors moi au volant d'une voiture !
28 Mai 2010, visite de la Centrale EDF de Porcheville:
Aujourd'hui, je l'enmène à mon travail. Arum le cache mais elle est paniquée. Elle a peur que je sois gêné. Elle a peur de me faire honte. La réalité est à l'opposé, mais mes paroles n'ont pas suffit à la convaincre. Mes collègues sont adorables avec elle. Elle aura droit à une visite VIP. La petite Indonésienne est rassurée et encore plus enthousiasmée que lorsque nous avons visité la tour Eiffel. Elle admire la simplicité et l'humanité de notre Directeur de centrale. "En Indonésie, les Directeurs (même petits), ont 3 gardes du corps et sont très arrogants".
11 juin 2010: Rencontre de mes amis à Nantes: Un moment magique de générosité, d'amour et d'amitié...
Et le français ?
Arum apprend très vite, même si quand elle se lâche, elle attaque direct par le verbe à l'infinitif (comme en indonésien). Devant mes amis, elle se lance cash dans un petit discours de remerciement en français ! dans lequel elle leur « promisse de finisser tous le chocolat, les caramels et les gâteaux, parce qu'elle est grignoter ! " ... Elle est émue. Moi aussi.
C’est d’ailleurs l’occasion d’immortaliser quelques tournures avant qu'elles ne disparaissent, telles que : « Quelque où » (on dit bien quelque chose, quelqu’un, quelque temps, …), « C'est pas mon trac (mon truc) », « je blogue (blague) », « Je vais dégazer (me déguiser) », « ta cuisine est sale (salée) », « Ils ont mangé les cuisines, puis je les ai mis au frigidaire pendant 3 semaines », "j'ai attrapée la grappe ! (la grippe)" ...
Le 9 juillet 2010 – Le rêve de petite fille se réalise …
Arum a postulé à Disneyland pour un emploi. Elle danserait dans les parades revêtue du costume d’un personnage Disney. Nous nous laissons aller à rêver…
Moi > Tu te rends compte tu pourrais, peut-être même, incarner le personnage de Mickey !, ton idole depuis que tu es toute petite !!
Elle > Ooooh oui, c’est magnifique ! :o)
Moi > en plus, tu pourrais te dédicacer tous les autographes Mickey Mouse que tu veux. Et les enfants viendraient vers toi, pour en avoir un, être pris en photo avec toi, et ils t’aimeraient !
Elle > :o) c’est génial moi , Mickey Mouse
.. et alors, naïf, parce que le lien me semble évident, je lâche : « Mais tu te rends compte, çà veut aussi dire que Mickey Mouse n’existe pas ! »
Et la patatra c’est l’ELECTROCHOC !! Arum qui a gardé toute son âme d’enfant intacte, réalise brutalement, le 24 juillet 2010, la terrible et triste réalité ! MICKEY MOUSE N’EXISTE PAS !!!!!
Je n’aurais peut-être pas du le dire. La logique a moins de charme que l’innocence et le rêve..
La porte des songes
En parlant de rêve, j’ai beau faire des efforts pour me souvenir de ce qui a été vécu ces dernières années, et tenter de le revivre, au moins un peu intérieurement, tout çà me semble si extraordinaire que j’ai beaucoup de mal à y croire. Mais quand mes yeux se posent sur la petite Indonésienne souriante, qui se tient à mes côtés, mon cœur se remplit de bonheur instantannéement. Ramenée avec moi du pays des songes, elle en en a franchi la porte pour prolonger la magie jusqu’ ici.
Aujourd'hui, le 9 août 2010, pourrait être un jour ordinaire la boîte de pâté continue de trôner dans la salle de bain … mais nous apprenons que ça fait déjà cinq semaines qu’un petit haricot magique nous accompagne en silence…


